jeudi 5 novembre 2015

Les élections en Birmanie du 8 novembre 2015



Le 8 novembre prochain, se tiendront en Birmanie des élections nationales, ayant pour but de fournir des représentants aux deux chambres du Parlement (168 sièges pour la Chambre haute et 330 sièges pour la Chambre basse), ainsi qu’aux parlements régionaux. Un quart des sièges dans les deux chambres nationales sont réservés d’office à des militaires et ne sont pas soumis à l’élection. Les Parlementaires voteront ensuite en 2016 pour choisir le Président. Les postes de ministres de l’Intérieur, de la Défense et des Frontières sont réservés à des militaires.

(source : Myanmar Times)

93 partis, dont les deux tiers existent sur des bases ethniques (135 recensées en Birmanie), sont représentés par quelques 6200 candidats. Les deux grands partis en présence sont la National League for Democracy (NLD) d’Aung San Suu Kyi (opposante historique et prix Nobel de la Paix 1991) et l’Union Solidarity and Development Party (USDP) très proche des militaires.

Suu Kyi, membre du Parlement depuis 2012 et candidate à la Chambre basse, ne pourra pas se présenter à la présidence : la Constitution birmane interdit à une personne mariée à un étranger (ce qui fut le cas de Suu Kyi, mariée au Britannique Mickael Aris) ou qui ont des enfants possédant une nationalité étrangère (idem) de le faire – une cause rédigée presque sur-mesure, pourrait-on penser avec un peu de mauvais esprit. Briguant la présidence depuis de très nombreuses années, ayant consacré l’essentiel de son énergie, durant l’année 2015, à faire modifier l’article 59(f) de la Constitution, responsable de sa mise à l’écart de cette fonction, Suu Kyi a toutefois déclaré qu’elle dirigerait malgré tout le gouvernement et a fait comprendre qu’un Président issu de son parti n’aurait que peu de latitude, puisqu’elle se situerait « au-dessus » du Président. D’ailleurs, personne n’a été désigné, dans la NLD, pour exercer la présidence en cas de victoire. La démocratie, c’est compliqué pour tout le monde, n’est-ce pas.

De fait, la NLD capitalise énormément sur l’image et la popularité de Suu Kyi, qui reste immense en Birmanie, malgré les bémols de ces dernières années. La NLD appelle d’ailleurs à voter pour un parti (comprendre : celui de Suu Kyi) et non pour des candidats. L’USDP, vu le passif, présente évidemment la démarche inverse, et tente de s’appuyer sur ses candidats, tout en mettant en avant timidement les supposés bons résultats de sa gestion des affaires nationales : après tout, n’est pas grâce à lui que des élections vont se tenir ? N’est-ce pas grâce à l’USDP que la transition démocratique s’effectue en douceur ? Les sanctions n’ont-elles pas été levées ? Le Président Thein Sein délivre également, ces derniers temps, des messages propres à inquiéter une population qui craint avant tout le désordre, mettant en avant le chaos issu des révolutions arabes et, à rebours du slogan de la NLD (« Time for Change »), estimant que la Birmanie a assez changé : puisqu’elle est désormais une démocratie, que voudrait-on de plus ? Le communisme ? Au vrai, la menace communiste est une vieille rengaine des dirigeants birmans. Il n’est pas sûr qu’aujourd’hui, sa portée soit encore très efficace, dans un pays où la soif de changement est forte.

Pour les observateurs, la question principale est de savoir si la NLD remportera suffisamment de sièges (soit 67 % des sièges à pourvoir) pour obtenir une majorité, ou si – comme il est probable – elle devra rester dans l'opposition. Pour sa part, avec seulement un tiers des sièges, l’USDP pourrait gouverner, avec l’appui des militaires dont elle est issue. 

Je ne suis pas sûre que l'important soit vraiment là. La Birmanie a entrepris, depuis 2011, des réformes considérables, qu'il était difficile d'imaginer dix ans auparavant. Connaissant la brutalité et la paranoïa des militaires au pouvoir, il aurait été osé d'espérer un abandon progressif du pouvoir de leur part. C'est pourtant bien ce à quoi on assiste. Avec un peu de recul historique, on comprendra donc aisément que cette transition démocratique est exceptionnelle, tant elle se passe en douceur, et on ne peut que rester stupéfait de la rapidité de celle-ci. Certes, on pourra faire la fine bouche, comme le font (et c'est leur job) les ONG des Droits de l'Homme sur la réalité de la transition et les conditions du vote. On pourra, au lendemain du vote, constater les multiples irrégularités qui ne manqueront pas de se produire. On pourra aussi ironiser sur la réalité du changement, les mêmes restant plus ou moins en place. Mais ce serait faire preuve de courte vue : dimanche, il s'agira juste de constater que 33 millions de Birmans auront eu la possibilité d'aller voter, et que cette (r)évolution s'est produite sans effusion de sang.

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